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Armony Altinier, Présidente de Koena, présente leur démarche R&D.
Pouvez-vous nous présenter votre structure en quelques mots ?
J'ai fondé Koena dans le but de démocratiser l'accessibilité numérique. L'accessibilité numérique signifie que les sites web, technologies et outils sont conçus et développés de manière à ce que les personnes handicapées puissent les utiliser. Or, dans un univers où tout passe par le numérique, des outils inaccessibles créent de l'exclusion, et le sujet est très largement méconnu et inappliqué, alors que c'est techniquement très documenté et standardisé.
Nous offrons des services de conseil, d'expertise et de formation sur un modèle économique "classique" : on vend le temps passé, mais en parallèle nous souhaitons expérimenter de nouveaux services pour briser le plafond de verre, répondre à ce besoin de masse et démocratiser le sujet.
Dans quel contexte et pourquoi une démarche de recherche et développement sociale a été mise en place ?
L'enjeu de l'inclusion des personnes handicapées par le numérique n'est pas nouveau, mais il ne progresse pas. C'est pour faire de la recherche sur ce sujet et créer des solutions innovantes afin de briser cette barrière invisible que j'ai créé Koena. L'inclusion, nous la mettons en oeuvre chez nos clients, mais nous la vivons aussi en interne, par le recrutement de collaborateurs en situation de handicap. Les outils que nous développons, notamment notre plateforme de médiation, sont aussi pensés pour être accessibles aux personnes handicapées. La démarche de R&D sociale s'inscrit dans le prolongement d'une démarche d'innovation sociale aussi bien dans nos pratiques internes, que dans les services que nous offrons.
Comment se concrétise cette démarche ?
L'un de nos premiers clients nous a amenés à collaborer sur un projet de R&D pour accompagner la prise en compte de l'accessibilité numérique dans la production de cours en ligne (MOOC). Nous avons travaillé avec une dizaine d'universités, des partenaires privés, sous le contrôle de l'Agence Nationale de la Recherche, dans un cadre très contrôlé. Nous intervenions au départ en tant que prestataire, puis nous avons avancé comme partenaires du projet finalement.
Depuis, nous avons noué des partenariats avec plusieurs universités et discutons encore avec d'autres pour développer des projets communs. Nous avions recruté un jeune docteur en sociologie, mais qui a dû nous quitter après 5 mois. Nous envisageons de recruter en renfort une jeune docteur en septembre.
Par ailleurs, nous avons pris contact avec des laboratoires de recherche en vue du recrutement d'un doctorat en contrat CIFRE, mais la recherche est longue et compliquée, même si nous avons eu des retours positifs de quelques laboratoires sur nos projets.
En interne, la thématique est portée par moi-même, mais aussi de manière assez transversale par tous les membres de l'équipe qui contribuent selon leurs compétences.
Enfin, nous collaborons sur des projets de recherche en lien avec nos compétences, et menons divers projets de recherche appliquée qui viennent alimenter nos recherches de fond, soit via des projets clients, soit en montant des expérimentations financées par des subventions comme Innov'Up Expérimentation, dans un cadre partenarial.
Quels sont les principaux freins que vous avez rencontrés dans cette démarche ?
Tout est très long... Bien plus long qu'on ne l'avait prévu. Le plus difficile dans notre domaine, c'est le recrutement. Nous avons été très bien accompagnés, nous avons la chance de bénéficier de soutiens, y compris financiers, mais également dans la mise en réseau et l'accès aux bons contacts. En revanche, le recrutement est un enjeu important et très difficile à résoudre.
En quoi cette démarche de R&D sociale participe-t-elle au développement du projet ?
Dans le cas de Koena, la R&D sociale est un pré-requis au développement de la mission de démocratisation de l'accessibilité numérique que nous nous sommes fixés, et qui doit passer par la mise en place d'innovations, issues d'une politique de R&D. La mesure d'impact social est un des indicateurs forts de nos projets de recherche.
Selon vous, de manière générale, en quoi la R&D sociale peut-elle contribuer aux projets d’innovation sociale ?
Les verrous rencontrés dans le développement de l’accessibilité numérique sont à la fois technologiques et sociétaux. Impossible de les lever sans conduire des recherches précises et documentées sur ce sujet, recherche que personne ne mène dans le domaine académique sous l’angle que nous avons adopté.
Les innovations sociales qui pourront changer les choses devront nécessairement passer par cette phase de R&D, nous les concevons comme le fruit de nos recherches.
Je ne sais pas comment ça se passe dans d’autres domaines, mais il me semble qu’une démarche scientifique fondée sur l’observation, la collecte de preuves et la mesure d’impact sont des outils utiles, voire nécessaires, à l’émergence de vraies innovations sociales, vecteur de transformations réelles.